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Le chef-d'œuvre de Gukesh, la France face au mur géorgien
A l'usure, Gukesh est venu à bout de Wei Yi au terme d'une superbe finale. L'Inde remporte son septième match. Photo: Maria Emelianova/Chess.com.

Le chef-d'œuvre de Gukesh, la France face au mur géorgien

AnthonyLevin
| 0 | Couverture d’événements d’échecs

La Chine avait choisi de faire sortir Ding Liren en le remplaçant par Wei Yi pour cette ronde cruciale. Et il faut reconnaitre que cette composition lui a presque permis de mettre un terme au score parfait de l'Inde dans cette 45ème Olympiade d'échecs. Mais à l'issue d'une longue et douloureuse finale, Gukesh Dommaraju apportait aux siens leur septième victoire de suite. Côté iranien, le GMI Pouya Idani remportait la seule partie du jour face au jeune MF vietnamien Gia Huy Banh et permettait à son pays d'être seul deuxième à ce stade de la compétition.

Crève-cœur pour la France, qui semblait avoir un parfait contrôle du match. A mi-parcours, personne n'aurait donné cher des chances de la Géorgie : au premier échiquier, Maxime Vachier-Lagrave dominait Mchedlishvili et semblait en ballottage très favorable, au second, Etienne Bacrot semblait solidement accroché à la nulle tandis que Marc'Andria Maurizzi et Laurent Fressinet poussaient des petits avantages intéressants. Une fois la victoire de MVL actée et la nulle signée chez Laurent, le scénario allait prendre une tournure sombre : Marc'An, gagnant en finale de tours face au légendaire Baadur Jobava, se trompait dans la réalisation et devait concéder la nulle. De son côté, Etienne décidait de donner une pièce contre deux pions pour tenir la finale. Hélas, son adversaire Luka Paichadze se montrait très précis et finissait par convertir cette finale difficile, au grand dam de l'équipe de France, qu'on a vu tant de fois gagnante lors de cette confrontation. Les espoirs de médailles s'amenuisent, et il faudra affronter l'ogre américain à la prochaine ronde… Haut les cœurs !

Chez les femmes, l'Inde continue également son parcours sans-faute, cette fois en dominant la Géorgie (3-1). Les jeunes stars Vaishali Rameshbabu et Vantika Agrawal gagnaient avec les pièces noires. Pourtant, cette dernière n'avait plus que deux minutes à la pendule dès le 21ème coup. Quel sang-froid !

On retrouve dans le peloton de chasse la Pologne, le Kazakhstan et la France, qui réalisait un match plein pour venir à bout de l'Espagne lors de cette septième ronde. Deimante Cornette tenait une nulle solide avec les noirs contre le redoutable premier échiquier espagnol Sarasadat Khademalsharieh, tandis que Pauline Guichard dominait Matnadze de la tête et des épaules. Hélas, Mitra Hejazipour se ratait complètement face à la vétérane Calzetta Ruiz au quatrième échiquier, et tout reposait donc sur les épaules de Sophie Milliet, qui poussait alors une finale très avantageuse face à Sabrina Vega. La MI espagnole décidait de faciliter la tâche de la française en laissant une fourchette en trois coups qui était bien sûr vue par Sophie. Une nouvelle victoire très encourageante, les bleues sont plus que jamais dans la course aux médailles, et affronteront une redoutable équipe du Kazakhstan ce jeudi. On y croit !

Gukesh débriefe sa partie avec son capitaine Srinath Narayanan. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

La huitième ronde se déroulera donc jeudi 19 septembre à partir de 15 heures.


Mixte : Gukesh leader assumé, l'Iran en embuscade

Pendant toute la journée, la Chine semblait bien parti pour infliger son premier coup d'arrêt à une équipe d'Inde conquérante. Après des nulles aux échiquiers 2, 3 et 4, Wei Yi défendait avec une grande précision pendant des heures, mais un Gukesh déterminé finissait par convertir une finale digne d'une étude de Troitsky.

Résultats complets ici.

Après cette journée de repos réparatrice, tous les regards se tournaient vers le match Inde-Chine. On attendait notamment avec impatience le choc entre les deux futurs participants au championnat du monde, Gukesh et Ding. Le chinois ayant confirmé qu'il ne jouerait plus d'ici le match de Singapour, c'était le dernier affrontement en classique prévu entre les deux hommes. Mais sans doute encore émoussé par sa défaite à la ronde six, Ding était remplacé par Wei Yi.

Un remplacement logique, Wei Yi étant l'actuel numéro un chinois et numéro huit mondial. Ding, encore numéro deux il y a un an, a chuté depuis son titre au 22ème rang mondial. Si Peter Svidler considérait cette absence comme inhabituelle, Robert Hess reconnaissait même après le match que cette décision était "sans aucun doute la bonne".

Avec deux cavaliers contre une tour, Gukesh allait presser sans relâche et finir par remporter l'une des plus longues finales du jour. Comme le concluait notre commentateur Daniel Naroditsky : "Parfois, ce n'est pas vous qui perdez, c'est simplement votre adversaire qui gagne". Qu'aurait pu faire Wei Yi aujourd'hui ? Pas grand chose, et c'est un message fort envoyé par Gukesh à tout juste deux mois du match de championnat du monde. Le GMI Rafael Leitao analyse cette incroyable partie du jour pour vous ci-dessous.

Comme le notait le capitaine indien sur X, cette victoire est "une vraie démonstration de force". Désormais classé 2780, Gukesh pointe son nez dans le top 5 mondial.

Image : 2700chess.

Mais si le numéro un chinois se trouvait bien au premier échiquier, côté indien, c'est au troisième échiquier qu'on retrouvait le patron. Jusque-là à 6/6, Arjun Erigaisi concédait sa première nulle du tournoi face à Bu Xiangzhi dans une défense russe variante Nimzowitsch à roques opposés incroyablement aigüe.

La course à la place de numéro un indien est très serrée… Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Bu fait partie des deux seuls joueurs à avoir battu Arjun cette saison. Cette fois, il se contentait de la nulle par échec perpétuel, ce qui fait baisser la performance de son rival du jour à un "maigre" 2985 Elo...

Suivait une nulle rapide au deuxième échiquier et une plus disputée au quatrième. Si Pentala Harikrishna obtenait un bel avantage, il ne parvenait pas à le convertir face à un Wang Yue inspiré. Qui arrêtera l'Inde ? La question devient chaque jour plus pressante…

Wang Yue a sauvé une position difficile, mais ce n'était pas suffisant pour sauver le match. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Deux autres équipes, le Vietnam et l'Iran, se tenaient à un point des leaders. Elles s'affrontaient logiquement lors de cette ronde.

Maghsoodloo - Le Quang, le choc des premiers échiquiers. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Les trois nulles n'était pas sans combat, notamment au premier échiquier, où Parham Maghsoodloo puisait une fois de plus dans son profond répertoire créatif :

C'est Idani qui faisait la différence en marquant face à Banh au quatrième échiquier. Le jeune MF vietnamien obtenait pourtant une bonne position grâce à une nouveauté jouée par Nijat Abasov contre Praggnanandhaa Rameshbabu un peu plus tôt dans le tournoi. Mais l'expérimenté iranien osait le sacrifice de pion 25...g4!, et son initiative allait causer un couteuse erreur :

Idani a fait le nécessaire pour faire gagner l'Iran. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Au troisième échiquier, le GMI Bardiya Daneshvar a eu plusieurs chances de gagner sa finale contre Tuan Minh Le. Mais à cet instant du match, il savait déjà qu'une nulle suffisait à remporter le match, et il s'en contentait.

L'Inde est donc seule en tête, et les iraniens seuls en seconde place. Ces deux nations s'affronteront à la huitième ronde.

Quatre équipes sont en embuscade avec 12 points. L'Ouzbékistan a battu l'Ukraine 3-1 avec des victoires de Nodirbek Abdusattorov et Javokhir Sindarov Le numéro un ouzbek et numéro six mondial, qui fêtait hier ses 20 ans, est à 6,5/7 dans ce tournoi, avec un perf Elo à près de 3000 !

Il s'offrait un beau cadeau en dominant complètement le GMI et célèbre auteur Andrei Volokitin. Alors qu'"Abdu" semblait se faire attaquer à l'aile dame, il prouvait que la dame noire (qui semblait si menaçante en a3), était en réalité mal placée.

Les héros locaux remportaient une victoire spectaculaire face à une très vaillante équipe de Lituanie (2,5-1,5). Tomas Laurusas aurait pu aller chercher le match nul en battant Benjamin Gledura au 4ème échiquier, mais il ratait sa chance, pile au 40ème coup. Il se retrouvait même dans une position perdante, mais finissait par tenir la nulle.

Richard Rapport contre Titas Stremavicius au premier échiquier. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

C'est au deuxième échiquier que le légendaire GMI et commentateur Peter Leko sauvait la Hongrie en remportant la victoire-clef. Il profitait d'une ouverture catastrophique de son adversaire Paulius Pultinevicius dans la sicilienne Rossolimo. Après la partie, il livrait ses impressions sur le tournoi à notre Mike Klein national : "L'Inde est beaucoup trop forte. Ils sont très jeunes, très forts, très déterminés, magnifiquement préparés, et ils s'entendent à merveille. C'est une équipe qui va être incroyablement difficile à battre."

L'Inde est beaucoup trop forte.

—Peter Leko

La Serbie battait les Pays-Bas 3-1, mais le résultat aurait pu être tout autre. Au deuxième échiquier, Jorden van Foreest obtenait une position gagnante, mais il gaffait et offrait la victoire sur un plateau à son rival Alexey Sarana. Ce dernier ne parvenait pas à convertir, et la nulle finale semblait un résultat "logique".

Comment ne pas évoquer la performance d'Haik Martirosyan, qui offrait la victoire à l'Arménie contre l'Angleterre en montrant une fois de plus toute la puissance de la paire de fous contre Nikita Vitiugov ?

Carlsen a semblé fasciné par la position de Martirosyan. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Magnus Carlsen n'est pas que spectateur dans ce tournoi, il joue aussi. Et il joue à son niveau ! Après deux nulles, il retrouvait le chemin de la victoire avec les pièces noires. La Norvège bat l'Autriche 3-1, mais reste à trois points des leaders, en compagnie notamment de la France.

Le match phare de ce jeudi sera bien sûr Inde-Iran. Ni Gukesh ni Maghsoodloo n'ont pour l'instant concédé la moindre défaite, et leur style combattif nous promet une belle bagarre. L'équipe d'Iran peut-elle ramener l'Inde sur terre ? Si elle n'y parvient pas, les favoris auront au moins deux points d'avance sur tous leurs poursuivants…

Appariements de la ronde 8 (Top 15)

No. SNo FED Equipes Points : Points Equipes FED SNo
1 10 Iran 13 : 14 Inde 2
2 9 Hongrie 12 : 12 Arménie 17
3 16 Serbie 12 : 12 Ouzbékistan 4
4 1 Etats-Unis 11 : 11 France 14
5 3 Chine 11 : 11 Roumanie 18
6 21 Vietnam 11 : 11 Norvège 6
7 32 Géorgie 11 : 10 Pays-Bas 5
8 7 Allemagne 10 : 10 Croatie 27
9 8 Angleterre 10 : 10 Lituanie 29
10 28 Italie 10 : 10 Azerbaïdjan 12
11 13 Espagne 10 : 10 Danemark 30
12 33 Argentine 10 : 10 Ukraine 15
13 19 Tchéquie 10 : 10 Moldavie 34
14 35 Cuba 10 : 10 Israël 20
15 36 Monténégro 10 : 10 Turquie 2

Femmes : L'Inde bat la Géorgie et prend deux points d'avance

Décidemment, l'Inde ne laisse que des miettes à la concurrence ! En battant les favorites géorgiennes 3-1 tandis que les polonaises devaient se contenter du match nul, les joueuses d'Abhijit Kunte prennent une avance de deux points sur la concurrence. En embuscade, on retrouve le Kazakhstan et bien sûr la France, respectivement vainqueurs de l'Azerbaïdjan et de l'Espagne. 

Résultats complets ici.

Le moyen le plus simple de gagner un match ? Faire nulle aux noirs et gagner aux blancs ! Les indiennes allaient pourtant faire tout le contraire…

Contrairement au match phare Inde-Chine dans le tournoi mixte, le résultat final n'a ici que rarement été en doute.

Vaishali a encore été un élément-clef de son équipe. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Vaishali n'était jamais vraiment en danger, mais elle laissait son avantage s'évaporer progressivement face à la MI Lela Javakhishvili. Résiliente, elle finissait toutefois par s'imposer. Pendant ce temps, Vantika mettait le feu à l'échiquier avec le coup 21...c5!? (qui aurait d'ailleurs été beaucoup plus fort deux coups avant) alors qu'il ne lui restait que 33 secondes à la pendule. Il lui fallait alors jouer encore 19 coups sur l'incrément avant d'obtenir les 30 minutes de bonus… Et malgré la pression, elle ne commettait pas la moindre erreur !

Vantika expliquait en interview que l'équipe croit dur comme fer au score parfait (22/22), exploit que seule la Russie a accompli en 2010.

Les indiennes affronteront à la prochaine ronde la Pologne, tête de série numéro trois. Les polonaises doivent rebondir après avoir été neutralisées par l'Ukraine. Pourtant, le match semblait bien parti lorsque leur premier échiquier Alina Kashlinskaya trouvait un finish violent pour battre la MI Yuliia Osmak.

Alina Kashlinskaya, désormais maman, est plus forte que jamais. Photo : Michal Walusza/FIDE.

Une partie tout feu tout flammes où quelques tactiques on été ratées… Mais dans une position si compliquée, comment en vouloir aux joueuses ?

La MI ukrainienne Nataliya Buksa égalisait en battant la MI Oliwia Kiolbasa dans une finale de cavaliers complexe. Match nul.

Nataliya Buksa, félicitée par sa capitaine Natalia Zhukova. Photo : Michal Walusza/FIDE.

Les Etats-Unis, portés par leurs deux jeunes stars, pouvaient de nourrir de grands espoirs…

...mais les arméniennes l'emportaient sur les deux autres échiquiers pour forcer le match nul. Un résultat rare !

Pourtant, la MI Alice Lee y croit dur comme fer : les USA sont toujours "en course pour les médailles", notamment en vertu de leurs excellents départages.

Une autre équipe, beaucoup plus loin dans le classement (94ème), fait tout de même sensation. Il s'agit de la Palestine. Son premier échiquier Eman Sawan, une MFF née en 2007, est à 6/6 et réalise une performance spectaculaire à 2661 ! Evidemment, les spécialistes savent qu'un score de 100% est difficile à estimer précisément, mais saluons tout de même le magnifique tournoi de la jeune femme !

Ce qui est sûr, c'est qu'elle est actuellement en tête de la course à la médaille d'or individuelle au premier échiquier—devant des concurrentes de renom !

Cl. FED Joueuses Elo Equipe Perf Parties
1 MFF Sawan, Eman 1972 Palestine 2661 6
2 GMI Kosteniuk, Alexandra 2483 Suisse 2643 6
3 MI Kashlinskaya, Alina 2490 Pologne 2520 6
4 MI Mkrtchian, Lilit 2366 Arménie 2517 7
5 MIF Gaal, Zsoka 2385 Hongrie 2513 6
Alexandra Kosteniuk (à droite) ne devait pas s'attendre à une telle rivale dans la course à la médaille d'or individuelle ! Photo : Michal Walusza/FIDE.com.

Elle pourrait même être à 7/7, mais ses coéquipières n'ont pas pu se rendre à Budapest à temps pour la première ronde.

Qui pourra arrêter l'Inde ? La question, comme dans le tournoi mixte, mérite d'être posée. La Pologne aura sa chance, jeudi lors de la ronde huit. Quant au choc France-Kazakhstan, au deuxième échiquier, il devrait valoir son pesant de cacahuètes. Allez les bleues !

Appariements de la ronde 8 (Top 15)

No. SNo FED Equipes Points : Points Equipes FED SNo
1 3 Pologne 12 : 14 Inde 1
2 14 Hongrie 11 : 11 Ukraine 5
3 10 Kazakhstan 12 : 12 France 13
4 2 Géorgie 11 : 11 Bulgarie 12
5 34 Ouzbékistan 11 : 11 Etats-Unis 7
6 17 Pays-Bas 11 : 11 Allemagne 8
7 11 Arménie 11 : 11 Mongolie 18
8 28 Slovénie 10 : 10 Chine 4
9 6 Azerbaïdjan 10 : 10 Italie 24
10 9 Espagne 10 : 10 Slovaquie 32
11 15 Angleterre 10 : 10 Lituanie 45
12 16 Turquie 10 : 10 Philippines 47
13 70 Malaisie 10 : 10 Vietnam 20
14 21 Suisse 10 : 10 Turkménistan 73
15 39 Pérou 9 : 9 Serbie 19

Colin McGourty a contribué à cet article.

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La retransmission de la Ronde 7 avec aux commentaires les MI Stéphane Bressac et Kévin Terrieux et le GMI Fabien Libiszewski.

Les 45èmes Olympiade d'échecs FIDE sont un événement d'équipe massif pour les fédérations nationales qui a lieu tous les deux ans. En 2024, elle se déroule à Budapest, en Hongrie, avec 11 rondes du 11 au 22 septembre. Dans les sections Mixte et Féminine, des équipes de cinq joueurs et joueuses s'affrontent dans un tournoi au système suisse, chaque match se jouant sur quatre échiquiers. La cadence est de 90 minutes avec un ajout de 30 minutes au 40ème coup et incrément de 30 sec par coup pour toute la partie. 


Précédemment :

    AnthonyLevin
    NM Anthony Levin

    NM Anthony Levin caught the chess bug at the "late" age of 18 and never turned back. He earned his national master title in 2021, actually the night before his first day of work at Chess.com.

    Anthony, who also earned his Master's in teaching English in 2018, taught English and chess in New York schools for five years and strives to make chess content accessible and enjoyable for people of all ages. At Chess.com, he writes news articles and manages social media for chess24.

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