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Partie 6 : Ding fait parler la poudre et revient encore à hauteur !
Ding a décidément un moral d'acier ! Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Partie 6 : Ding fait parler la poudre et revient encore à hauteur !

beccrajoy
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Le Championnat du Monde FIDE de cette année propose jour après jour un spectacle incroyable où les nulles se font étonnamment rares et où les deux joueurs se rendent coup pour coup. De nouveau mené au score, Ding Liren a en effet égalisé avec brio en surclassant Ian Nepomniachtchi sur le terrain surprenant du Système de Londres. Le numéro 1 chinois a parachevé son œuvre par un délicieux réseau de mat où un sacrifice de dame imparable a forcé son rival à l'abandon au 44ème coup.

Après six parties, le score est de 3-3. Le duel se poursuivra mardi 18 avril à partir de 11:00, heure française après une journée de repos.

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La retransmission en direct avec Kévin Bordi et les GM Vlad Tkachiev et Fabien Libiszewski.

Avant le début de la partie, les spéculations allaient bon train sur la question de savoir si Ding allait prendre sa chance ou tenter d'effacer sa lourde défaite de la veille par une nulle solide. Le GM chinois a apporté une première réponse en optant pour un Système de Londres, une première dans un match de Championnat du Monde ! Cependant, Nepomniachtchi a déclaré durant la conférence de presse qu'il s'attendait à ce que cette ouverture survienne tôt ou tard dans le match.

Le joueur russe a répliqué par la variante peu connue à base de 6.Ff5 qui a surpris Ding et l'a sorti de sa préparation. La position a évolué vers une partie lente où il faisait bon manœuvrer et dans laquelle Nepo a pris des décisions douteuses. A contrario, Ding se trouvait dans sa zone de confort avec une structure de type Carlsbab inversée et il est rapidement apparu qu'il avait obtenu tout ce dont il pouvait rêver à la sortie de l'ouverture.

Nepomniachtchi sitting at the board during the game
Nepomniachtchi s'est vite retrouvé dans une situation inconfortable. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

La poussée 11...h6 de Nepo a notamment été visée par Anish Giri aux commentaires, suggérant qu'une retraite de la dame en c7 aurait certainement été préférable.  

Nepomniachtchi s'est retrouvé contraint de ramener son cavalier en e7 pour éviter une situation de "bon cavalier contre mauvais fou" mais a encore affaibli sa position avec 13...a6 et 14...Cd7, laissant Ding avec un large avantage positionnel et la perspective d'installer un puissant cavalier en c5. Ce dernier a trouvé ce qu'il a appelé "un coup d'attente utile" avec 18.Ta3 pour renforcer la défense de son pion c3, puis a proposé l'échange des dames, refusé instantanément par son adversaire. Ne se contentant pas de sa pression à l'aile dame, Ding a envoyé son pion h en éclaireur avec une idée très subtile en cas de réaction centrale des noirs.

Ding sitting at the board and thinking
Ding a parfaitement géré son temps aujourd'hui pour réfléchir aux moments clés. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Après la poussée 22...e5 des noirs, Ding a vite répliqué par 23.Tb3 pour essayer de gagner un pion tout en rentrant dans de terribles complications tactiques. Après la partie, le GM chinois a admis qu'il ne s'agissait pas de son plan initial : "J'aurais peut-être dû jouer b4 au lieu de Tb3. Avant cela, la position était presque à sens unique, j'étais celui qui mettait la pression et il n'avait pas beaucoup de contre-jeu, mais après e5, il a soudainement obtenu des contre-chances".

Les commentateurs ont également été surpris par la décision de Ding, estimant que conserver l'avantage positionnel était plus adapté à son style que la variante dans laquelle il est entré. Nepomniachtchi, flairant l'opportunité d'équilibrer les débats, jouait rapidement pour maintenir la pression sur Ding qui prenait beaucoup de temps. Cependant, la stratégie du joueur russe s'est retournée contre lui lorsqu'il a raté une très jolie ressource à base de 27...Txe5, suivi de ...Dd8 pour égaliser.

Après la partie, Nepomniachtchi a reconnu avoir manqué cette idée et considérait 27...Fc2 comme une erreur mais pensait (à tort) qu'un coup comme 27...Fd3 lui aurait donné une position tenable.

La gestion du temps a continué de jouer un rôle important dans cette bataille, Nepomniachtchi réfléchissant trop peu sur les coups critiques et Ding prenant trop de temps dans des positions "avec un coup forcé". Lorsqu'on lui a demandé si ses coups rapides étaient dus à un manque de patience, Nepomniachtchi a répondu qu'il ne s'agissait "pas de cela", attribuant la défaite à "beaucoup de mauvais coups faits en une seule partie" qu'il a décrite comme l'une des "pires jamais jouées."

A close-up of Nepomniachtchi's face framed by Ding's arm
La concentration n'a pas suffi à sauver Nepo. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Ding a trouvé le joli mais logique 29.Cd6 mais n'avait plus que 20 minutes à la pendule contre 53 pour Nepomniachtchi pour atteindre le rajout de temps. Le numéro 1 chinois a pu réfléchir sur le temps de son rival quand celui-ci est resté un moment dans la salle de repos pour trouver le bon coup défensif 31...Rh7.

Bien que l'ordinateur aimait toujours la position blanche, Giri estimait qu'il était difficile de voir un moyen pour Ding de gagner. Le GM chinois l'a contredit en rejetant la retraite ordinateuresque de la dame en e1 pour le plus actif 32.Tc5 afin d'essayer d'infiltrer la septième rangée avec sa tour. En danger, Nepomniachtchi a délivré un échec alors que capturer le pion c3 était sa meilleure chance de s'en sortir. 

Si le dangereux pion a passé des noirs pouvait inquiéter les amateurs, Ding a su rester calme, utilisant ses dernières minutes pour calculer la suite gagnante, commençant par 35.Cxc4 et atteindre le quarantième coup avec un avantage décisif.

Ding and Rapport smiling after the game
Rapport a évidemment félicité son poulain après son succès. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Ding a alors pris le temps de chercher comment délivrer le coup de grâce et c'est le moyen le plus esthétique qui lui est apparu. Son coup de pion 41.d5 paraissait anodin mais cachait en réalité une subtile idée de réseau de mat.

Nepomniachtchi a joué son va-tout en poussant son pion à une case de la dame quand un Ding visiblement très excité est retourné devant l'échiquier pour asséner à tempo 42.Dc7 pendant que les commentateurs cherchaient encore la suite gagnante. À vrai dire, Giri n'a pas réussi à trouver la combinaison impliquant un sacrifice de dame et a qualifié la concept de Ding de "génial".

Si le vainqueur du jour a apprécié le compliment, il n'a pas convenu qu'il s'agissait d'une "partie de génie" mais a reconnu être "très content d'avoir trouvé d5 suivi de Dc7". Il a également déclaré qu'il avait entendu la prédiction de Giri selon laquelle il allait égaliser après sa défaite et l'a remercié pour sa confiance.

Après 44.Df7, un Mat des Arabes ou un Mat du couloir étaient imparables et Nepomniachtchi a logiquement abandonné.

Nepomniachtchi extending his hand while smiling as he resigns
Le joueur russe a accordé un sourire à son rival au moment de rendre les armes. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Le GM Rafael Leitao a analysé la partie en détails.

GM Rafael Leitao GotD

De nombreuses parties de ce match se sont avérées à sens unique, mais pas pour le même joueur. Giri attribue cette situation au fait que les deux protagonistes sont "asymétriquement égaux", c'est-à-dire que chacun d'entre eux excelle dans des positions où l'autre n'est pas à son avantage. Il n'y a jamais eu de match de Championnat du Monde au cours de ce millénaire avec autant de sang sur l'échiquier : les derniers duels avec quatre résultats décisifs dans les six premières parties étaient Karpov-Anand en 1998 et Karpov-Kamsky en 1996.

Lorsqu'on a interrogé les principaux intéressés à ce sujet, Nepomniachtchi a répondu : "posez moi la question un autre jour, s'il vous plaît", tandis que Ding a fait remarquer, en souriant, qu'ils n'étaient pas encore aussi professionnels que Magnus. Ding a également mentionné que les résultats décisifs pouvaient être attribués aux déviations rapides des joueurs par rapport aux longues lignes forcées de l'ordinateur.

Ding at the press conference
Ding avait toutes les raisons d'être radieux après sa prestation inspirée. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

On s'approche de la moitié du match et bien malin qui pourra pronostiquer le vainqueur. Ding s'est une nouvelle fois bien remis de sa défaite et a donné un aperçu de sa résilience en déclarant que son objectif avec son ouverture aujourd'hui était de jouer quelque chose qu'il connaissait tout en dédramatisant le résultat de la veille.

Il reste à voir s'il peut trouver la solidité nécessaire pour prendre l'avantage au tableau d'affichage pour la première fois dans le match, les commentateurs ayant exprimé certaines inquiétudes quant à son répertoire avec les noirs.

Nepomniachtchi holds his face during the press conference
Une conférence de presse douloureuse pour Nepo. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Nepomniachtchi était naturellement contrarié après sa défaite et a évoqué à plusieurs reprises les mauvais coups qu'il avait joués tout au long de la partie en se livrant à une sévère autocritique. Lorsqu'on lui a demandé si un excès de confiance pouvait en être la cause, il a rejeté l'idée : "la tension est élevée, parfois vous ne pouvez pas donner le meilleur de vous-même".

Nepomniachtchi a déjà démontré dans ce match qu'il pouvait se remettre d'une défaite et il jouit de plus d'expérience dans un match de Championnat du Monde que son adversaire. 

Score du Match

Fed Nom Elo 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 Score
Ding Liren 2788 ½ 0 ½ 1 0 1 . . . . . . . . 3
Ian Nepomniachtchi 2795 ½ 1 ½ 0 1 0 . . . . . . . . 3

Le Championnat du Monde FIDE 2023 est l'événement classique le plus important de l'année puisqu'il décide du nouveau champion du monde. Nepomniachtchi et Ding disputent un match pour savoir qui succédera à Carlsen sur le trône. Ce duel au sommet est doté de 2 millions d'euros de prix et se déroule sur 14 parties classiques ; le premier joueur à marquer 7,5 points l'emporte.


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