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Les plus jeunes Candidats

Les plus jeunes Candidats

Gserper
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Le principal événement échiquéen de l'année, le tournoi des Candidats 2022, a déjà débuté et seule une personne paresseuse n'irait pas de son petit pronostic. Bien que je déteste être traité de paresseux, je ne peux pas vous donner mon poulain pour la simple raison que je n'ai aucune idée du futur vainqueur !

Suivez les parties sur notre page évènements dédiée et le direct sur la Chess.com/TV ou sur nos chaines Twitch et YouTube.com/ChesscomLive avec aux commentaires Kévin Bordi, entouré des GMs Vlad Tkachiev, Fabien Libiszewski et Sébastien Mazé.

Ce tournoi des Candidats est unique en son genre dans le sens où je ne serais pas vraiment choqué quel que soit le participant qui l'emporte si la chance l'accompagne. Et je suppose que personne ne va contester que la chance est une condition essentielle pour gagner un tel tournoi. Ainsi, au lieu de faire des prédictions, je vais revenir sur une caractéristique très importante de ces tournois.  

Tout au long de l'histoire, nous pouvons trouver un cercle exclusif de joueurs qui se sont qualifiés pour le tournoi des Candidats à un âge précoce. Les noms de Boris Spassky, Bobby Fischer et Magnus Carlsen viennent immédiatement à l'esprit. Pour la plupart des gens, ces cas sont intéressants du point de vue des records, tandis que certains des plus jeunes joueurs de ChessKid s'en servent comme d'un instrument de comparaison de leurs propres progrès.

2022 Chess.com Chess Candidates Tournament Bobby Fischer
Fischer à 17 ans, l'année après être devenu le plus jeune participant de l'Histoire des Candidats. Photo : German Federal Archives, CC.

En effet, Fischer, qui a obtenu son titre de Grand Maître à 15 ans en se qualifiant pour le tournoi des Candidats, est devenu définitivement un sacré "étalon de mesure". Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer quand je lis qu'un autre enfant est devenu Grand Maître à 14, 13 ou même 12 ans, battant le record de Fischer d'un, deux ou trois ans, comme si Fischer, qui a obtenu son titre de Grand Maître en devenant Candidat, était comparable à un joueur qui ne figure pas dans le top 200.

Personnellement, je regarde les plus jeunes Candidats sous un angle totalement différent, qui pourrait être décrit par ce court clip :

"Tu sais, cette nouvelle musique que tu cherches ? Eh bien, écoute ça !" Tu l'as ? Si vous cherchez la musique des échecs du futur, vous feriez mieux de regarder les parties des plus jeunes Candidats !

Par exemple, intéressons-nous aux performances de Fischer lors du célèbre tournoi des Candidats de 1959. Son résultat final (cinquième-sixième place sur huit) peut être considéré, au mieux, comme correct. Cependant, quand on examine ses parties, on remarque immédiatement deux caractéristiques claires :

  1. Sa préparation dans les ouvertures était de premier ordre. Même s'il a dû affronter les meilleurs joueurs du monde, qui disposaient de leurs secondants ou, dans le cas des joueurs soviétiques, même une équipe d'assistants, Fischer a atteint des positions très prometteuses à la sortie des  ouvertures dans beaucoup de ses parties.
  2. Il était par ailleurs clairement surclassé par ses adversaires plus expérimentés, et par conséquent, il a gâché la plupart de ces positions prometteuses.

L'épisode suivant mentionné par Garry Kasparov dans son livre My Great Predecessors montre clairement la différence dans la préparation des ouvertures entre Fischer et les joueurs de l'ancienne génération. (Veuillez noter que même si la différence d'âge entre Fischer et Mikhail Tal n'était que de sept ans, de par leur éducation échiquéenne, ils étaient des joueurs de générations échiquéennes différentes).

Comme vous avez pu le constater, le résultat de ce duel théorique entre Fischer et l'équipe non officielle de Tal, composée des GMs Tigran Petrosian, Yuri Avebakh et Alexander Koblents" a clairement tourné en faveur du jeune américain. Voyons la partie jouée lors de la toute première ronde, où l'adversaire de Fischer était le GM Paul Keres, qui est considéré comme l'un des meilleurs théoriciens de l'histoire.

Keres a surpris Fischer avec sa préparation et pourtant Bobby a démontré une très bonne compréhension de la position couplée à d'excellents calculs. En conséquence, les blancs ont souffert pendant la majeure partie de la joute !

Voici une autre rencontre de Fischer avec l'un des plus grands experts en ouvertures de son temps :

Je pourrais continuer encore et encore, mais vous, mes chers lecteurs, avez déjà compris l'idée.

La préparation des ouvertures de Fischer était plus précise, car les joueurs des générations précédentes s'appuyaient surtout sur des principes généraux, mais pour Fischer, il s'agissait de calculs concrets. Dans mon article datant de 10 ans, dans lequel nous avions analysé le jeu de Fischer dans la variante du pion empoisonné, j'ai écrit : "Fischer ne connaissait-il pas les principes de base de l'ouverture ou les génies sont-ils autorisés à contourner les règles ? Non et non ! L'explication peut être inattendue mais elle est typique des échecs modernes. Il est très courant de nos jours d'abandonner une règle au profit d'une autre." Comme vous pouvez le constater, en 1959, Fischer était en avance sur son temps dans son approche des ouvertures.

Comme il a été mentionné ci-dessus, Fischer a néanmoins gâché de nombreuses positions formidables parce que ses adversaires étaient plus forts dans d'autres compartiments du jeu. Il existe suffisamment de matière dans ce tournoi pour écrire un livre intitulé Bobby Fischer Learns Chess en complément du livre existant Bobby Fischer Teaches Chess.

Voici un seul exemple. Dans ses parties contre Petrosian, Bobby a appris l'une des marques de fabrique de son adversaire : la balade du roi, dont nous avons également parlé il y a 10 ans. Jugez-en par vous-même :

Au moins dans cette partie, Fischer n'a pas perdu, même s'il a admis à la fin : "j'ai proposé nulle, craignant qu'il n'accepte pas. Les noirs ont certainement l'avantage maintenant." Fischer n'a pas été aussi chanceux dans la partie suivante :

Le commentaire de Fischer "Glissant comme une anguille !" est l'un de mes préférés de tous les temps. J'ai toujours espéré qu'un jour je serais en mesure d'imiter la fameuse balade du roi de Petrosian, mais je suppose qu'il faut être surnommé "Iron Tigran" pour le faire. La partie suivante, que j'ai jouée lors de mon seul tournoi des Candidats, est celle qui s'est le plus rapprochée de "l'anguille glissante" :

Maintenant, vous pouvez facilement comprendre pourquoi je vais suivre de près les parties d'Alireza Firouzja lors du prochain tournoi des Candidats. Je suis sûr que cette nouvelle musique que nous sommes tous avides d'écouter sera au programme !

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