Défense Caro-Kann

1.e4 c6

La défense Caro-Kann est avant tout connue pour sa solidité. Son coup fondateur, 1...c6, est le quatrième plus populaire contre 1.e4, avec une large avance sur le cinquième. Il prépare 2...d5 sans bloquer le fou de cases blanches, ce qui est considéré comme le principal défaut de sa cousine, la défense française. (1.e4 e6). Arme privilégiée des joueurs positionnels de tous niveaux, la Caro-Kann figurait notamment en très bonne place dans le répertoire du champion du monde Anatoly Karpov

Position de départ

La Caro-Kann commence par les coups 1.e4 c6, et continue la plupart du temps par 2.d4 d5. Les deux premiers coups peuvent être considérés comme le point de départ de la défense Caro-Kann.

Avantages

  • Structure de pions saine
  • Fou de cases blanches actif
  • Ouverture prudente et solide

Inconvénients

  • Les noirs ont moins d'espace
  • Développement lent
  • Abondance de réponses blanches possibles

Variantes

La Caro-Kann est une ouverture relativement compliquée où de nombreuses variantes sont bonnes à jouer. Le deuxième coup blanc le plus courant, et de loin, est 2.d4. Il existe toutefois également une variante dite des deux cavaliers (1.e4 c6 2.Cf3 d5 3.Cc3).

C'est au troisième coup que les blancs choisissent généralement la variante du jour. Et il en existe pas moins de cinq !

La variante classique

3.Cc3 est le coup le plus joué, de peu face à 3.e5. Les noirs vont presque toujours s'emparer du pion par 3...dxe4, ce qui va amener les blancs à reprendre par 4.Cxe4. Il est également possible de rentrer dans cette ligne par transposition via 3.Cd2.

A partir de là, la partie peut partir dans plusieurs directions, mais le coup 4...Ff5, caractéristique de la variante classique, est le plus populaire. Les noirs développent leur fou de cases blanches de manière logique, justifiant l'absence du coup ...e6. Les blancs vont ensuite généralement chasser ce fou, mais au prix de l'affaiblissement de leur aile roi.

La variante Karpov

La variante Karpov (également connue sous le nom de variante Steinitz) est caractérisée par le coup 4...Cd7. Les noirs préparent le développement de leur second cavalier en f6 et anticipent sa prise.

Cela dit, les blancs ne sont absolument pas obligés de prendre en f6. En effet, après 5.Cf3 Cf6, ils jouent presque aussi souvent 6.Cg3 et obtiennent au passage de bien meilleurs résultats, notamment car le fou c8 se retrouve enfermé par le cavalier d7.

Anatoly Karpov
Le coup 4...Cd7, bien qu'il n'ait pas été inventé par Anatoly Karpov, reste intimement associé au 12ème champion du monde. Photo : Rob Croes/Archives nationales des Pays-Bas, CC.

Presque aussi courant que 4...Cd7, l'immédiat 4...Cf6 permet aux blancs de doubler les pions noirs.

Les variantes avec 4...Cf6

Les blancs peuvent jouer 5.Cg3, mais 5.Cxf6 est de loin le coup le plus populaire et critique. Les noirs peuvent reprendre vers le centre avec 5...gxf6, entrant ainsi dans la variante Bronstein-Larsen (qui tient son nom des GMIs David Bronstein et Bent Larsen), ou bien vers l'aile avec 5...exf6 pour entrer dans la variante Tartakover (imaginée par le GMI Xavier Tartakover). Si la première offre un jeu dynamique en échange d'une structure de pions compromise, la seconde, même si elle doit également accepter des pions doublés, est considérée comme nettement plus solide. Les deux coups sont aussi populaires l'un que l'autre.

Caro-Kann
La recapture après 5.Cxf6 est avant tout une question de goût. A haut niveau, les deux variantes sont autant jouées l'une que l'autre. Notons tout de même que 5...exf6 fait nulle 38% du temps contre 27% à 5...gxf6.

La variante d'avance

Les blancs ne sont pas obligés de jouer Cc3 au troisième coup. Ils peuvent également opter pour la bien nommée variante d'avance, caractérisée par le coup 3.e5. Il s'agit de la ligne la plus tendue, et qui offre les meilleurs résultats aux blancs. Le GMI Vladimir Kramnik l'a notamment jouée pour conserver son titre mondial contre Peter Leko lors de la partie finale du match joué entre les deux hommes en 2004.

Après les coups 1.e4 c6 2.d4 d5 3.e5 Ff5, les trois principaux coups proposent tous une approche très différente de la position, pour des résultats sportifs sensiblement équivalents : 4.Cc3 est la variante Shirov, dont l'idée principale est de jouer g4 et d'avancer à l'aile roi. 4.h4 est la variante Tal, qui choisit une autre voie pour prendre de l'espace à l'aile roi. Enfin, 4.Cf3 caractérise la variante Short, qui vise à entrer dans une lutte plus positionnelle.

La variante d'échange

Lorsque les blancs prennent en d5, on parle de variante d'échange. Après l'évident 3...cxd5 (si les noirs comptaient reprendre de la dame, ils pouvaient tout simplement jouer la scandinave avec 1...d5), les blancs peuvent jouer soit 4.Fd3, soit le beaucoup plus tranchant 4.c4 (voir ci-dessous).

En jouant le coup 4.Fd3, les blancs assument la recherche d'une position calme. Cette variante est d'ailleurs relativement rare à haut niveau, car elle permet aux noirs d'égaliser facilement.

Caro-Kann
Après les échanges en d5, les blancs jouent soit 4.Fd3 (variante d'échange), soit 4.c4 pour entrer dans l'attaque Panov-Botvinnik.

L'attaque Panov-Botvinnik

Ce coup rappelle des positions du gambit dame. Les blancs doivent généralement accepter de jouer avec un pion dame isolé compensé par une belle activité des pièces.

La variante fantasy

Loin d'être aussi populaire que ses grandes sœurs, la variante fantasy (3.f3) obtient toutefois de très bons résultats. Les blancs veulent reprendre en e4 avec le pion f, maintenant ainsi un centre de pions complet. C'est une structure rare que les joueurs de Caro-Kann ne rencontrent pas souvent. 

Comment jouer contre la Caro-Kann

La variante d'avance est la star de notre classement, avec 43% de victoires blanches pour 30% de victoires noires. La variante fantasy, avec 44% et 33%, est statistiquement aussi bonne, mais servira plutôt d'arme surprise que de répertoire principal. La variante d'avance, en revanche, est forcément connue du joueur de Caro-Kann, car elle peut mener à des lignes très tendues. Par conséquent, les résultats nuls y sont bien moins fréquents que dans les autres variantes.

Caro Kann Fantasy
La position après 1.e4 c6 2.d4 d5 3.f3 dxe4 4.fxe4, à partir de laquelle les blancs gagnent 57% du temps ! Les noirs doivent privilégier les coups 3...e6 ou 3...Db6 à 3...dxe4, qui offre trop d'avantages aux blancs.

Il existe une autre manière rare de faire face à la défense Caro-Kann, en jouant 2.c4 au lieu de 2.d4. Une arme peut-être encore plus surprenante que la variante fantasy, car les blancs gagnent 44% du temps, pour seulement 23% de défaites. Souvent, le coup 2.c4 transpose dans l'attaque Panov-Botvinnik.

Historique

La défense Caro-Kann tient son nom d'Horatio Caro et de Marcus Kann, deux joueurs du XIXème siècle l'ayant analysée en profondeur. On la retrouve pour la première fois dans une partie enregistrée entre deux anonymes, en 1845. Ce n'est que dans les années 1880 qu'elle va acquérir ses lettres de noblesse sous l'influence de Caro et de Kann.

Mais comme la plupart des ouvertures modernes, ce n'est qu'au XXème siècle qu'elle va vraiment s'imposer dans la pratique des maîtres. Au tournoi de New York 1927, le champion du monde Jose Raúl Capablanca en fait son arme principale contre 1.e4. Bilan : deux victoires, trois nulles, et aucune défaite.

100 years ago today Capablanca Lasker
Capablanca en 1930. On nomme parfois la variante classique de la Caro-Kann la variante Capablanca. Photo : Wikimedia, CC.

Dans son match-revanche de 1958 face à Vassily SmyslovMikhail Botvinnik devient le premier joueur à choisir la Caro-Kann en championnat du monde. Il le refera à deux reprises, contre Mikhail Tal, en 1960 et 1961. Tigran Petrossian défendra également son titre avec succès contre Boris Spassky en 1966 en optant régulièrement pour cette défense.

De nos jours, la Caro-Kann est considérée comme l'une des options les plus intéressantes pour les noirs face à 1.e4. Magnus Carlsen l'a notamment jouée contre Viswanathan Anand au championnat du monde 2013. Elle est également une des ouvertures de référence du numéro un français Alireza Firouzja.

Parties célèbres

Comme évoqué plus haut, Capablanca a joué cinq fois la Caro-Kann au tournoi de New York 1927, et la plus belle de ses parties fut sans nul doute celle où il domine Aron Nimzowitsch dans la variante d'avance :

Bronstein, lui, va prouver la dangerosité de sa variante 5...gxf6 contre Nikolay Bakulin en 1965 :

Et voici le coup 4...Cd7 qui va permettre à Petrossian d'écraser Tal en 1973 :

Conclusion

La Caro-Kann est une excellente option pour les joueurs positionnels. En effet, bien que les lignes tactiques ne soient jamais loin, sa base demeure fondamentalement solide. Etape suivante, pour en apprendre plus sur cette défense : explorer notre base de données de parties de maîtres ou consulter la leçon (en anglais) du GMI Sam Shankland !

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